Ma futurologie ou l'algorithme occidental

Enquête sur une loi de l'Histoire

Utiliser l'algorithme occidental pour regarder l'avenir

Réalité, utilité et limites de la théorie de l'algorithme

utilis13

Avant que de prétendre faire la moindre prédiction sur l'avenir en utilisant cet "algorithme occidental" que nous avons dégagé au cours de notre étude, il faut revenir sur quelques objections.

J'entends d'ici les lecteurs qui s'exclameront devant leur écran (ou hausseront simplement les épaules en pensant) : "tout cela est absurde, l'histoire humaine n'est pas une science exacte".

C'est un fait. Aussi bien n'avons-nous jamais prétendu le contraire. Mais nous voyons deux aspects à cette objection : elle peut soit nier purement et simplement que le "cycle" gréco-romain s'est reproduit jusqu'à maintenant dans le "cycle" euro-américain, ou bien reconnaître cela mais s'opposer à toute tentative de projection, en estimant que la reproduction de schéma n'est aucunement assurée pour l'avenir, que les temps ont changé...

Aux premiers, nous répondrons que la reproduction est incontestable. On pourrait, certes, dire qu'il y a des "règles" qui s'appliquent à toutes les nations, toutes les sociétés démocratiques, tous les empires multiethniques, tous les arts (par exemple le glissement du sacré initial vers le profane), etc... et qu'il est donc plausible, et certes pas stupéfiant, de retrouver des choses semblables dans la démocratie athénienne et française, dans l'impérialisme romain et américain. Cette objection serait recevable si n'était la concordance simultanée dans des tas de domaines différents, et espacée dans le temps. Car ce que l'on a pu observer, ce ne sont pas des similitudes isolées, ponctuelles, mais des similitudes inscrites dans un système, s'étayant les unes les autres. Non seulement nous avons observé les mêmes choses dans des civilisations différentes, mais ces similitudes étaient en outre similairement ordonnées. C'est ce deuxième degré de correspondance qui interdit de rejeter l'idée de reproduction d'un schéma semblable d'un revers de la main : il y a plus, et nous pensons l'avoir suffisamemnt montré.

utilis17

Cela dit, voyons le deuxième aspect de l'objection : la mise en doute de la possible utilisation de l'algorithme comme outil de prédiction. Elle est l'objection de verrou, car la faire sauter c'est admettre qu'il existe bien un algorithme, et l'on ne peut, à l'inverse, souscrire à l'idée d'algorithme occidental si l'on exclut sa capacité de prédiction. C'est ici, donc, qu'il faut réfléchir à la possibilité d'utiliser l'algorithme, et aux limites de son utilisation.

Disons-le d'emblée : les prédictions précises sont, à notre avis, impossibles. L'utilité de l'algorithme ne saurait aller au-delà de la prévision des tendances d'un siècle, ou de grands évènements géopolitiques à quelques décennies près. Mais sur ce genre de prédictions limitées, l'algorithme peut être un outil fort intéressant et efficace.

Après la précision, la deuxième limite au pouvoir de prédiction de l'algorithme est dans le type de choses qu'elle peut prévoir, et il nous semble que ses prédictions ne sauraient porter sur autre chose que des tendances, des schémas d'évolution, la forme, et non le fond. Reprenons l'exemple du théâtre grec et de l'Européen. Tous deux sont nés dans le sacré, ont évolué dans le profane politique et philosophique. La forme est semblable, mais le fond diffère : le "sacré" était pour l'un le culte païen de Dionysos, pour l'autre se rattachait à la foi chrétienne. Si donc, suivant l'algorithme, on prédit la chute de l'Empire américain comme il en fut du romain, et la renaissance de l'Occident en un nouvel endroit, comme il en fut pour la Grèce et l'Europe, on pourra prédire, avec certitude, une évolution comparable du théâtre, du sacré vers le profane, mais on ne pourra pas prévoir le contenu de ce sacré. La forme elle-même peut être douteuse, et prévue seulement vaguement. Nous avons déjà évoqué les cas de la guerre civile romaine et de l'américaine : on retrouve les mêmes problématiques, mais pour Rome les troubles ont duré près d'un demi-siècle, contre quelques années pour l'Amérique. Dans le cas d'une répétition, ou pourra seulement prévoir l'apparition de ces trois problématiques qui devront être réglées, on pourra prévoir après quels évènements elles adviendront (après le rejet de la suzeraineté étrangère et l'apparition de la République, avant l'Empire mondial) mais pas en combien de temps, ni dans quel ordre.

utilis14

La troisième limite est dans l'identification des lieux ou des entités entrant en scène. Prenons encore une fois un exemple : nous avons vu que la Guerre du Péloponnèse et son équivalent européen, les deux guerres mondiales, ont considérablement affaibli ces deux civilisations et ont entraîné la perte de leur empire colonial au profit de puissances émergentes. Nous avons vu aussi que la Grèce comme l'Europe sont passées sous tutelle Romaine/américaine après leur appel à l'aide contre un ennemi. Dans le cas d'une répétition à l'avenir, l'identité de cet ennemi serait difficile à prévoir pour la raison suivante : le premier bénéficiaire de l'affaiblissement grec après les guerres du Péloponnèse fut Carthage (qui s'empara de la Sicile et étendit son influence aux dépens des Grecs), tout comme l'URSS, son correspondant dans le cycle euro-américain, profita de l'affaiblissement de l'Europe de l'Ouest, en particulier la disparition de la puissance allemande, pour s'emparer de l'Europe de l'Est et centrale. En revanche, ce fut contre la Macédoine que les cités grecques demandèrent l'aide de Rome, et ce deux cents ans après la guerre du Péloponnèse, alors que l'Europe est entrée dans l'empire américain en demandant son aide d'abord contre l'agresseur allemand lors de la Seconde guerre mondiale, puis, dans la foulée, pour la garantir du géant russe. L'on observe donc différentes choses : un même pays peut jouer un seul ou plusieurs rôles dans le cycle, comme l'URSS qui a joué à la fois le rôle de Carthage vis-à-vis de Rome, mais aussi celui de la Macédoine vis-à-vis de Rome et des cités grecques (notons cependant que face à Rome, Carthage et Macédoine étaient alliées : il y a donc une forme de constance dans le rapport Russie/USA), et ensuite l'on constate qu'un même évènement peut jouer un ou plusieurs rôles dans le cycle : ainsi le grand évènement de la guerre radicale entre cités grecques/pays européens est en outre directement la cause de l'intervention américaine en Europe, il n'est pas la cause de l'intervention romaine en Grèce, qui survient deux cents ans plus tard à la faveur d'autres évènements. Cela montre également que l'algorithme est plus qu'une reproduction de causes et d'effets, car entre la guerre du Péloponnèse et la domination romaine, il y a Alexandre le Grand (Macédonien) qui règne sur la Grèce et la lance à la conquête de l'Orient, et un siècle de domination hellénistique en Egypte et en Perse, mais l'Europe a perdu son empire et est tombée sous tutelle américaine aussitôt après la Seconde guerre mondiale. Si l'algorithme est une réalité, il faut donc admettre l'existence d'évènements, parfois d'ampleur, qui concernent ses acteurs et pourtant sont de nul effet sur son déroulement.

Il y a donc des limites nettes au pouvoir de prédiction de l'algorithme, mais elles sont loin de lui ôter tout intérêt : il reste utile pour imaginer les grandes lignes de l'avenir, et aussi pour décrypter les tendances de la marche du monde actuelle, par exemple en rejetant, ainsi que nous le verrons, l'idée décliniste selon laquelle l'Empire américain est déjà sur sa fin.

Nous espérons que la reconnaissance des limites du pouvoir prédictif de l'algorithme pourra faire admettre aux dubitatifs la possibilité de sa réalité, et que leur curiosité sera suffisamment piquée pour qu'ils poursuivent leur lecture jusqu'au bout, car nous en arrivons, maintenant que l'algorithme et ses limites sont cernés, à son emploi prédictif.

Quel avenir mondial, selon l'algorithme ?

usa

L'algorithme nous annonce pour l'avenir une domination américaine durable. En effet, alors que de nombreux commentateurs actuels parient sur le déclin américain au profit d'autres puissances, nous voyons d'après l'algorithme que nous sommes aux alentours de la période durant laquelle la Grèce est passée sous tutelle romaine, et où l'Europe fait de même avec l'Amérique. Or c'est après cette période que doit arriver l'apogée de l'Empire. L'algorithme dit donc que l'Amérique est encore dans sa phase ascensionnelle, qui peut connaître des à-coups, de brefs reculs, mais le mouvement général est bien à la croissance de puissance.

Cette première observation soulève cependant une question intéressante : où en sommes-nous exactement du déroulement de l'algorithme occidental ?

La situation actuelle du monde, et sa comparaison avec le monde antique, nous incite à penser que nous sommes au stade où les deux suites se fondent en une seule, de par le passage de la civilisation de la suite A (Europe) sous la tutelle de celle de la suite B (Amérique). Mais le fait est que cette transition s'est faite en plusieurs étapes, pour ce qui fut de la Grèce, ce qui nous laisse dans l'inconnu, pour l'Europe, quant à son caractère achevé ou non.

Mais revenons aux faits, les choses seront plus claires pour le lecteur. Nous reproduisons ici la carte d'un état actuel de l'Empire américain. Nous disons bien "un" état, car l'influence américaine varie en ce qui concerne les lieux et les domaines ; la carte que nous produisons se concentre sur l'aspect militaire de l'expansion américaine, aspect qui touche, plus que tout autre domaine, à la souveraineté des états et donne par conséquent une bonne idée de l'ascendant américain sur les régions marquées. Mais des pays exclus de cette carte de la domination militaire américaine peuvent être grandement soumis à l'influence des Etats-Unis, au niveau culturel et économique.

La présence de toutes les nations de la vieille europe au sein du dispositif militaire américain, en particulier l'OTAN, les place de fait au sein de ce que l'on appelle "l'empire américain". Mais doit-on considérer l'Europe comme encore indépendante de l'Amérique, souveraine, ou non ?

La question se pose parce que l'intégration de la Grèce à l'Empire romain s'est faite en deux temps : d'abord, au terme de la Deuxième guerre macédonienne, en -196, Rome a retiré ses troupes de Grèce (-194). Les cités grecques sont demeurées dans la zone d'influence romaine, et sous la protection de cette puissance, mais non réellement soumises à Rome, intégrées dans son empire. Ce n'est qu'au terme de la Troisième guerre macédonienne (-146), après avoir tenté de rejeter la puissance romaine, unies en Ligue achéenne, que les cités grecques sont devenues possessions et province romaine. Cela arriva la même année que Carthage fut rasée.

rome_150 rome_60

Nous présentons à droite deux cartes montrant l'évolution décrite. La première montre la situation romaine entre -196 et -146. Carthage est toujours debout, bien que très diminuée après sa défaite lors de la deuxième guerre punique, et la Grèce est de fait (en particulier à cause de ses élites romanophiles) "à la botte" de Rome. On constate déjà l'extraordinaire expansion de Rome, dont la puissance ne dépassait guère, cent ans plus tôt, la péninsule italienne. La deuxième carte montre l'empire de Rome moins d'un siècle après, juste avant les grands troubles de la fin de la République. Si l'on écarte te la représentation des états vassaux (en jaune) et la conquête de la Syrie et d'une partie de l'Espagne, on a une idée de ce que fut l'Empire juste après le tournant de -146 : étendu, par rapport à la carte précédente, de la Grèce, passée du statut d'alliée à celui de province après sa révolte, de Carthage et de la Macédoine, défaites.

Le lecteur aura compris la question : sommes-nous en 150 avant Jésus-Christ ou au Ier siècle avant Jésus-Christ ? Le soulèvement grec et la guerre d'une partie des cités de Grèce contre Rome, ayant entraîné la chute de la Ligue achéenne, et la provincialisation de la Grèce, sont-ils des évènements faisant partie de l'Algorithme ? De deux choses l'une : soit, scénario "dur": l'Histoire se répète à l'extrême, et un conflit semblable pourrait opposer l'Europe aux Etats-Unis. Soit, scénario "souple", l'Europe est déjà une province des USA, dans un modèle de relations plus "modernes", moins rigides qu'aux temps antiques. Voyons les pour et les contre, et les possibilités de scénario.

Le scénario souple aurait bien sûr notre préférence d'humaniste, car d'une part il écarte l'idée d'une guerre entre l'Europe (ou une partie de l'Europe) et l'Amérique, et d'autre part il donne à penser que, d'un cycle sur l'autre, l'humanité se serait pacifiée, aurait gagné en retenue, et l'Empire américain se serait alors étendu avec moins de violence que Rome. L'Europe est alors destinée, comme la Grèce jadis avec Rome, à vivre durant quelques siècles dans l'ombre et sous la protection de la puissance américaine. Mais dans un tel schéma, il faut alors considérer que tout est dit entre la Russie et l'Amérique. Or on ne peut pas dire que cela soit le cas : la Russie est loin d'obéir au doigt et à l'oeil américains, est encore très militarisée et parfois menaçante devant les avancées américaines. En outre, le cycle euro-américain n'a donné que peu de signes d'adoucissement de l'humain ; même si des pas ont été franchis dans lesquels l'humanité a globalement progressé, la Seconde guerre mondiale, notamment, a montré que le potentiel de sauvagerie était intact.

Prenons les arguments en faveur d'un scénario dur. Ils sont nombreux. Et tout d'abord exprimés par les deux premières cartes ci-contre : nous voyons, aujourd'hui, la Russie hors de l'Empire américain, comme Carthage était encore hors de l'Empire de Rome en 150 avant J.-C. Et l'on sait l'élan nationaliste qui a repris les Russes durant la dernière décennie, nationalisme particulièrement orienté contre l'impérialisme américain. Malgré des signes de concorde et de collaboration on sait que l'animosité demeure, qui a particulièrement pointé avec la guerre en Géorgie, quand l'US Navy a déplacé ses flottes vers les côtes russes. Certes la Russie n'a pas les moyens de défier le géant américain, mais il est également manifeste qu'elle guette toutes les occasions de montrer sa résistance à l'avancée américaine, et surtout de regagner un peu de puissance, en espérant rééquilibrer la balance. On sait que les Russes se sont plaints d'avoir été bafoués par les américains depuis la chute de l'URSS, et accusent les Etats-Unis d'avoir profité de leurs troubles pour, sous couvert d'amitié, les affaiblir un peu plus, les miner. Or l'étude de la politique romaine vis-à-vis de Carthage entre la deuxième et la troisième guerre punique dévoile un arbitrage romain systématiquement en faveur du royaume numide voisin de Carthage, dans les conflits entre les deux pays frontaliers, afin d'affaiblir toujours plus le vieil ennemi. Enfin, la Russie demeure l'autre grande puissance nucléaire, et l'Amérique en est nécessairement inquiète. Bref, on retrouve tous les éléments qui étaient présents dans la situation stratégique romano-carthaginoise durant le premier IIeme siècle avant notre ère.

Revenons à l'Europe. Nous la voyons, sur la première carte, alliée de l'Amérique depuis 1945, intégrée à l'OTAN, pour une partie, et également confédérée de son côté dans l'Union européenne. Sur la deuxième, nous voyons la Grèce, dont les Romains se sont retirés en - 194, après la déclaration de la liberté des cités grecques, libérées par Rome de la Macédoine, par Flamininus. Le cités grecques sont alliées à Rome, et rassemblées en confédérations, la Ligue étolienne et la Ligue achéenne, au sein desquelles les cités abandonnaient certaines prérogatives souveraines pour se gouverner ensemble et faire front commun, et surtout peser plus face aux géants macédonien et surtout romain. Cette situation dura un demi-siècle, au terme duquel une partie de la Grèce se souleva contre Rome en prenant le parti macédonien ; ce soulèvement eut notamment pour causes l'animosité du peuple grec contre Rome, attisée par le pro-romanisme des élites qui avaient accaparé le pouvoir après l'effondrement macédonien : ces élites furent renversées au profit de Grecs patriotes favorables au rejet de Rome.

Rappelons-nous de ce que nous avons dit de la Macédoine : son rôle, comme celui de Carthage, semble joué dans le cycle euro-américain par la Russie. Or l'on sait que, depuis la chute de l'URSS, le modèle économique capitaliste prévaut dans toute l'Europe, mais qu'un anti-américanisme populaire est très répandu en Europe de l'Ouest. On sait aussi que l'Union européenne est mal vue par les mêmes antiaméricains, qui voient en ses institutions un déni de démocratie, le pouvoir aux mains d'élites. Pour folklorique que soit le fleurissement de théories du complot, il souligne un fait sociologique lourd : les peuples (par opposition aux élites) ont le sentiment (probablement pas infondé) de perdre leurs droits à se gouverner au profit d'oligarchies incontrôlables, et en conçoivent de l'exaspération. De fait, on peut s'interroger sur l'influence de plus en plus grande des organismes de conseil (fondation Bilderberg, Commission Trilatérale, Council for foreign relations), et sur le caractère antidémocratique du pouvoir décisionnel de cercles de personnalités non élues, et tirant pour la plupart leur autorité de leur poids financier. C'est exactement le même phénomène qui est observable chez les Grecs face à l'hégémonie romaine, et qui a soulevé et perdu les Ligues au tournant du IIeme siècle. En outre, cette tendance, en Europe, est accentuée ces derniers temps avec la crise économique, et les "plans de rigueur" : les peuples ne se sentent pas gouvernés dans leur intérêt.

Beaucoup d'arguments, donc, en faveur d'un scénario "dur". Quel pourrait-il être ? On peut imaginer, si les choses s'aggravent au plan économique (et c'est plausible) un mécontentement grandissant des peuples européens, ou d'une partie d'entre eux, et un basculement politique nuisible à l'Union européenne, hostile au capitalisme voulu par l'Amérique. Un tel basculement serait pain béni pour la stratégie russe, qui trouverait des oreilles plus attentives qu'actuellement. Imaginons alors un rapprochement Russie-Europe de l'Ouest, ce qui serait pour l'Amérique un véritable scénario-catastrophe. Les USA chercheraient sans doute à rétablir la situation à leur profit, s'il le faut par des coups de force, et avec l'appui de la partie de l'Europe qui serait restée de leur côté. Nous serions alors dans une configuration de guerre qui, suivant le modèle gréco-romain, verrait la victoire américaine, la vassalisation définitive de l'Europe, et l'écrasement définitif de la Russie.

Soit une réplique du tournant de -146 : la provincialisation de la Grèce et la destruction de Carthage, avec la troisième guerre punique.

La conquête du point de départ du prochain cycle ?

utilis15

La chute de l'Empire américain

Il n'y a guère de raison que l'empire américain dure infiniment. Si l'on observe l'effondrement de l'empire romain, on peut imaginer, à terme, des causes similaires à la chute de l'Amérique : affaiblissement économique du centre (l'économie d'Italie, gorgée des richesses de l'Empire et sclérosée par un dirigisme excessif, perdit peu à peu tout dynamisme, phénomène accentué par le coût des guerres ; cependant que le vieil orient hellénistique était florissant), désordre politique, affaiblissement du pouvoir central, concurrence politique d'un nouveau centre (Empire d'Orient, grec, pour Rome ; on peut imaginer pour l'Amérique le retour en force politique d'une Europe enfin unifiée), immigration massive livrée au pillage par l'absence d'encadrement suffisant (découlant elle-même des difficultés financières), insécurité des voies de communications dûes au birgandage des barbares immigrés, aux soulèvements divers, ayant des effets néfastes sur l'économie... Tous ces motifs (et d'autres) s'entremêlent et s'accentuent entre eux, en un gigantesque cercle vicieux, lorsque l'on observe les raisons de l'écroulement de l'ordre mondial romain.

On peut penser que, si l'algorithme se révèle constant, l'Amérique, à terme, connaîtra les mêmes difficultés, et se dissoudra dans sa propre puissance, comme ce fut le cas de Rome, qui n'était même plus le centre de l'Empire durant ses derniers temps, sa clef de voûte disparaissant, l'empire se morcellera alors. Et il n'est pas excessif de prédire, pour ce temps-là, un phénomène de démondialisation, comme on le vit après la chute de Rome : insécurité des voies de communication, fin de la Mare nostrum, éclatement de la puissance publique, rupture des échanges, difficultés d'approvisionnement, désurbanisation, apparition d'entités politiques multiples et instables ; en bref, après l'ordre mondial, le désordre mondial. Non pas brusque, mais fruit d'une dégradation pluriséculaire, et avec des redressements ponctuels, jusqu'à la chute finale.

utilis16

Quelle héritière de la Grèce et de l'Europe ?

L'effondrement de l'Empire américain ne serait cependant pas la fin de la civilisation occidentale car, à en croire l'algorithme, deux fois déjà l'occident est né du chaos suivant la disparition d'un empire : en Grèce post-mycénienne et en Europe. post-romaine. On doit donc prédire que la civilisation algorithme poursuivra sa course en un nouvel endroit. La question est : où ?

Nous avons déjà évoqué la difficulté de précision de l'algorithme quant aux lieux. On peut néanmoins essayer de trouver une hypothèse en reprenant le passé. Pour ce qui est de Mycènes, c'est assez difficile : l'histoire de cet empire n'est pas connue dans le détail, et la découverte même de cette civilisatione est récente. Notre principal outil de raisonnement est donc, à nouveau, le passé romain et européen.

Nous avons déjà vu que le centre de la civilisation européenne, son point de départ, fut la France, et plus largement les Gaules, carrefour de l'Europe de l'Ouest. Voyons donc ce qu'elles avaient de spécial.

Le premier caractère des Gaules était leur population. Elles comptaient, à l'époque de leur conquête par César, une vingtaine de millions d'habitants (Jean-Louis Brunaux, Nos ancêtres les Gaulois, Le Seuil, 2008, p. 63). A la même époque, la population de la botte italienne, frontières naturelles de Rome, était quatre fois moindre : cinq millions, plus un ou deux millions d'esclaves (Paul Veyne, Entre l'Orient, la Grèce et Rome, L'Empire Gréco-romain, p. 270). La Gaule était économiquement très dynamique, et comptait des centres industriels, elle produisait du fer, des poteries, du vin. On lui attribue des inventions importantes telles que le savon, l'art de fabriquer des tonneaux, et les premières connaissances sur la vinification en fûts ; des inventions comme les braies ou la cotte de mailles étaient si utiles qu'elles furent même adoptées par l'armée romaine. La Gaule, en revanche, ne connaissait pas l'écriture.. Elle représentait également, par sa masse, un péril pour Rome : la cité avait déjà eu à subir les attaques de l'envahisseur celte, et avait même failli lui succomber (Brennus, - 387). Politiquement, la Gaule était divisée entre 90 peuples, souvent concurrents, parfois en conflit, mais liés entre eux par des liens de langue (principalement 3, divisées en dialectes). Elle était dirigées par sa noblesse, de type féodal, mais comptait une bourgeoisie commerçante sur laquelle les romains surent s'appuyer pour pacifier leurs conquêtes. A l'époque de César, une partie des Gaules, la "Narbonnaise", était déjà intégrée à l'empire romain, ses habitants étaient fortement romanisés. En revanche, avant la conquête romaine, la Gaule avait été très peu touchée par l'influence grecque, et principalement par le biais de la colonie phocéenne de Massalia (Marseille) le long du Rhône.

En résumé : très forte population, ne connaissant pas l'écriture, dynamisme économique, d'une certaine inventivité technologique, danger pour Rome, division politique, partiellement romanisée à la veille de sa conquête, avant cela jamais influencée notablement par l'Occident (Grèce).

Pouvons-nous trouver, dans le monde actuel, et hors de l'empire américain, un pays répondant à un maximum de ces caractères, suivant la méthode de l'algorithme ?

La Russie ? Nous avons vu qu'elle a déjà rempli des rôles importants, et sa population est nettement inférieure à celle des Etats-Unis. Elle ne fait pas des étincelles au niveau économique, est dirigée par un régime politique autoritaire. Sa candidature est peu plausible.

Le Brésil ? Sa population est également très inférieure à l'américaine. Le pays est une puissance émergente, qui fait de bonnes performances économiques, mais il a d'importantes racines occidentales. Pourrait-on étendre la "candidature" à toute l'Amérique du Sud ? Sa population n'excèderait pas de beaucoup la population américaine. Il y aurait en revanche l'unité de langage. Cependant l'Amérique latine n'est pas ce qu'on pourrait appeler un danger pour les USA.

Quid de l'Afrique ? Sa population totale est presque le triple de la population américaine. Elle est divisée, mais guère performante économiquement, et ses langues sont très variées. Elle ne représente aucunement un danger pour les USA, et a longtemps été - et presque intégralement - une colonie occidentale soumise.

Nos regards se tournent tout naturellement vers l'Asie. Et là, deux géants attirent particulièrement notre attention : l'Inde et la Chine.

L'Inde est-elle une bonne candidate ? Sa population est presque quatre fois supérieure à celle des USA. Sa population est jeune, son économie dynamique et en progression dans le classement mondial. On en parle pourtant rarement comme d'un danger pour les Etats-Unis, a 23 langues officielles, et a été colonie européenne pendant longtemps, et l'autorité occidentale y fut prégnante.

Qu'en est-il de la Chine ? La population de la Chine est quatre fois supérieure à celle des Etats-Unis. Son économie est en train de reprendre sa place "naturelle" pendant les derniers millénaires,, prépondérante au niveau mondial. Ce grand pays est également connu pour ses multiples inventions dont l'occident a hérité : boussole, papier, imprimerie... Les Etats-Unis la considèrent comme leur seul véritable rival militaire au plan conventionnel, d'autant que le budget militaire chinois ne cesse de croître. En outre l'Amérique s'inquiète de la progression vertigineuse de la Chine en matière économique. On peut ajouter que les marges de la Chine : Taïwan, Corée du Sud, Japon, sont partiellement occidentalisés depuis un moment, les deux premiers faisant partie intégrante de l'empire militaire américain. De plus, dans son histoire, la Chine n'a jamais connu de profonde pénétration de l'Occident : elle est une très vieille civilisation et se considère comme telle. Enfin, elle ne connaît pas l'écriture syllabique, qu'elle n'emploie que dans ses relations avec l'étranger, continuant pour elle-même l'emploi de l'écriture idéogrammique.

La Chine paraît donc la meilleure candidate. Il n'y a cependant pas que des points "pour". La Chine est la plus ancienne civilisation continue du monde : elle perdure depuis 5000 ans. Elle n'a rien du caractère "barbare" que l'on attribue souvent aux gaulois (bien que ce terme péjoratif soit également assez fourre-tout et peu nuancé). Ensuite la Chine n'est pas, pour l'heure, politiquement divisée, mais entièrement soumise au gouvernement de son Parti Communiste (et la petite exception de Taïwan est bien maigre pour parler de "division"). En revanche, elle contient 56 "nationalités" au sens chinois, soit identités ethnico-culturelles ; les Hans, majoritaires, forment eux-mêmes une nationalité hétérogène au plan de la langue, des coutumes.

Chine conquise

La Chine, conquête américaine et future héritière de l'Occident ?

Peut-on imaginer un scénario de conquête américaine de la Chine ? A première vue, cela paraît compliqué : la puissance chinoise est en augmentation croissante, et les deux puissances auraient beaucoup à perdre dans une guerre : on sait les liens économiques qui les unissent, l'ampleur de leurs forces conventionnelles rendrait une guerre meurtrière, et la Chine dispose de l'arme nucléaire pour se défendre.

Plusieurs situations peuvent cependant être imaginées. La première est que les USA ne paniquent si la Chine finit par risquer de les dépasser réellement économiquement, et de développer une puissance militaire supérieure à la leur. Ils pourraient alors choisir d'intervenir avant que la balance ne leur soit défavorable. Ce scénario de guerre sino-américaine serait sans doute le plus meurtrier.

Le même type de guerre pourrait être provoqué par le problème de Taïwan ou un incident autour de la Corée. Cela ne changerait guère les données du problème : l'opposition frontale américano-chinoise très meurtrière.

Il y a une autre possibilité de scénario, beaucoup plus favorable à l'Amérique et potentiellement bien moins meurtrier : l'éclatement du régime chinois et une période de trouble. La Chine, tout au long de son histoire, a connu des périodes d'ordres suivi d'un éclatement de la puissance centrale. La fin d'un cycle d'ordre chinois pourrait donner une occasion à l'Amérique de régler ce délicat problème stratégique. Mais un tel éclatement est-il plausible dans les décennies qui viennent, avant que la Chine ne surclasse les USA, ce qui est estimé à l'horizon 2030/2050 ? En tous les cas il n'est pas impossibles, et ce scénario a quelques arguments en sa faveur, en particulier le peu d'amour que le peuple chinois porte à son régime, notamment à cause des terribles fractures sociales, de la grande pauvreté d'une partie encore majoritaire de la population. Cette situation pourrait être encore aggravée si la crise économique se durcissait. Si le régime chinois implosait, les Etats-Unis auraient une occasion idéale, par une action de restauration de l'ordre, doublement justifiée par la protection de l'équilibre économique mondial (le poids de la Chine rendant une telle crise de régime très dangereuse) et la candidature de Taïwan à la souveraineté chinoise, qui ferait un régime complaisant envers les USA, tout spécialement si l'Amérique faisait de la République de Chine le gouvernement légitime chinois à la force du poignet, en profitant du désordre. Les troubles empêcheraient toute riposte organisée de la Chine, et peut-être aussi l'emploi de l'arme nucléaire, et le conflit serait par conséquent bien plus aisé à conduire et à remporter pour l'Amérique. Il serait aussi moins meurtrier. Ce serait d'ailleurs, du point de vue de l'algorithme, assez élégant : l'aide américaine à Taïwan rappellerait l'appel à l'aide des Eduens qui donna à César le prétexte de la Guerre des Gaules.

La Chine soumise à l'Empire américain, elle connaîtrait sans doute le sort de la gaule romaine ; elle développerait sa culture sino-américaine, développerait son économie sous la paix américaine, sans plus de prétention militaire (un peu comme le Japon d'après-guerre). Et lorsque l'Amérique s'effondrerait, elle deviendrait l'héritière de toute la culture occidentale. D'un pays si évolué, si inventif, si raffiné et si anciennement civilisé, on peut attendre qu'il enrichisse l'héritage occidental de sa propre culture et porte la civilisation qui fut grecque, romaine, européenne et américaine à des sommets qu'il nous est aujourd'hui difficile d'anticiper.

Quel avenir immédiat pour l'Empire américain ?

utilis7

L'expansion

L'avenir de l'Empire américain consiste tout d'abord en ce que nous avons développé au cours des deux précédents paragraphes : le maintien ou l'affermissement de l'emprise américaine sur l'Europe, la soumission définitive de la Russie et de la Chine à l'autorité américaine. Nous avons déjà présenté des scénarios possibles pour l'établissement de ce nouvel ordre mondial américain. Raisonnons un peu sur ses conséquences.

Nous produisons ci-contre une carte donnant un aperçu de ce que pourrait être l'empire des Etats-Unis à la fin du XXIeme siècle, après règlement des conflits russe et chinois. L'Amérique contrôlerait alors à elle seule une bonne moitié des terres émergées. L'on voit mal, en revanche, ce qui pourrait la pousser à aller s'engager en Afrique, en Inde ou en Amérique du Sud : avec le degré de puissance atteint par l'Amérique, il est plus que probable que plus aucun pays ne risquera de mettre son hégémonie en péril, et que des USA enfin débarassés de toute crainte pour leur mode de vie se contenteront de leur empire. La soumission de la Russie et de la Chine donneront aux Etats-Unis la toute-puissance à l'ONU (avec la neutralisation de tout veto contraire d'un membre permanent), qui ne sera plus qu'un instrument dans les mains américains. L'Amérique pourrait même se payer le luxe de faire cadeau d'un siège permanent au Japon ou à l'Allemagne, intégrés à son empire.

Enseigne américaine

Le gouvernement impérial

Comment l'Amérique gouvernera-t-elle son empire ?

Très probablement (ce qu'elle fait déjà) à la mode romaine : laissant le gouvernement local aux provinces de l'empire, Rome ne faisait intervenir ses gouverneurs qu'en cas de dysfonctionnement des autorités locales (conflits entre localités, désordres sociaux...) et pour coordonner les grandes entreprises impériales (infrastructures, ...). Ce type de gouvernement maintient en place les élites locales, en faisant des alliés fidèles. Le système est bien entendu très peu démocratique, même si l'on peut lui conserver des apparences. On constate aujourd'hui en Europe, nous l'avons déjà dit, un gouvernement assez constant de la part des institutions européennes, et par conséquent des états européens eux-mêmes, malgré les alternances démocratiques. Certains interprètent ce phénomène comme un complot mondialiste, ce qui n'est pas le cas ; il s'agit tout simplement de l'adhésion des élites à un ordre qui leur convient, les protège. On a observé le même phénomène chez les riches grecs avec la domination romaine. Les gens aisés aiment l'ordre politique, nécessaire à la sécurité des biens et à la prospérité. Il ne faut donc pas imaginer la mise en coupe réglée des conquêtes : les américains, pas plus que les romains, ne conquièrent à la Gengis Khan. Il s'agit d'une intégration à un système, non d'une pure soumission. Ainsi, si conquête de la Chine il y a, il faut s'attendre à l'installation de quelques bases américaines, une surveillance de l'administration, mais pas son exercice direct. De fait, les gouverneurs romains intervenaient essentiellement en cas de problème, ou en tant qu'instance de recours, pas systématiquement dans tout. Aussi bien voit-on sous l'Empire des auteurs grecs enjoindre leurs compatriotes de bien se comporter et de ne pas commettre de désordres, afin que le gouverneur romain ne mette pas son nez dans les affaires de la cité. L'empire américain devrait donc agir, et agit déjà souvent, selon ce modus operandi.

utilis8

Un empereur américain ?

L'idée peut faire sourire. Il est d'ailleurs possible qu'elle ne devienne jamais réalité. Mais ce n'est pas notre avis. Nous avons vu que l'empire américain, malgré l'idéal démocratique américain, est très peu démocratique à bien des égards, et ce même pour le peuple américain, qui est généralement moins belliqueux que ses dirigeants, et ce depuis toujours. Et nous savons, par l'exemple romain, qu'un peuple avide d'indépendance et chérissant ses prérogatives peut parfaitement les abandonner de bon coeur dès lors qu'il a l'impression qu'elles sont sauvegardées ; l'oeuvre d'Auguste, premier empereur romain, est à ce titre une véritable démonstration d'habileté. Encore faut-il la combiner aux manoeuvres de son illustre prédécesseur, César, qui posa les bases du régimes monarchique impérial romain.

Un trait majeur - et peu souvent souligné - de la manoeuvre de César fut de s'appuyer sur l'empire de Rome pour gagner Rome elle-même, et l'empire avec. On peut citer deux faits qui le montrent : il fit en sorte de mettre fin aux campagnes électorales romaines que les grands personnages finançaient en extorquant de l'argent aux provinces, et il fit entrer au Sénat, coeur politique de Rome, des provinciaux : gaulois et espagnols.

On peut imaginer l'apparition d'un ou plusieurs personnages manoeuvrant semblablement pour prendre la tête des Etats-Unis et de l'Empire américain, en s'appuyant sur l'empire aux dépens de la métropole.

utilis9

L'avenir économique

La puissance économique de Rome et de l'Italie ne dura pas, ce qui fut une des causes de l'effondrement romain. A partir du IIe siècle de notre ère, la métropole romaine subit la concurrence de ses propres provinces, elle perdit ses marchés, en conséquence de quoi ses terres furent moins cultivées et désertées, la valeur du sol diminua, et finalement ce qui avait été le coeur battant de l'empire s'appauvrit. Elle qui avait été la capitale du monde antique dans les domaines technologiques et commercial, grande exportatrice, devient importatrice et dépendante de ses régions. Le niveau de vie n'y est maintenu que par l'argent prélevé sur les provinces par l'impôt. L'économie est devenue de plus en plus dirigée.

Cette évolution a déjà commencé aux Etats-Unis : eux dont la fortune fut faite par l'industrie se désindustrialisent progressivement, permettant à d'autres, telle la Chine, ou l'Inde, de s'enrichir en devenant à leur tour les ateliers du monde. Déjà, la balance commerciale américaine est déficitaire. Est-ce une mauvaise passe ou les USA sont-ils déjà dans le déclin économique ?

Par la suite, on assistera probablement à un interventionnisme de plus en plus marqué, et une socialisation de la politique économique.

Le délabrement complet de l'économie américaine devrait annoncer, lorsqu'il surviendra (à notre avis pas avant deux ou trois siècles) la fin de l'empire américain, ce qui fut le cas pour Rome.

La survivance d'un Empire européen ?

Lorsque l'Empire romain s'est désagrégé, lui a survécu l'Empire d'Orient, empire grec. Ce fait doit-il être compté parmi les étapes de l'algorithme ? Doit-on constater que l'Empire laisse, d'une part, une contrée nouvelle prête à engager un nouveau départ pour l'Occident, et de l'autre la contrée de la suite A, première civilisation du cycle (Grèce pour le gréco-romain et Europe pour l'euro-américain) comme héritière de l'Empire et devant en faire perdurer le fantôme pendant encore un temps ? C'est une possibilité, mais seul l'avenir (lointain) pourra trancher.

Et dans un millénaire et demi ?

Mars terraformée

Nous l'avons vu, il est probable, suivant l'Algorithme, que la civilisation occidentale trouvera un nouveau départ en Chine, ou plus largement en Extrême-Orient : Chine, Corée, Japon, Vietnâm, peut-être aussi l'Inde (l'Allemagne est née de la Germanie, qui ne faisait pas partie de l'Empire romain). Après le passage des cités aux pays, avec Rome et la péninsule italienne, les Etats-Unis auront donc marqué le passage des pays aux superpays : des entités étatiques quasi-continentales. Le cycle devrait agir de la même façon qu'auparavant : dans un environnement démondialisé, les anciennes provinces américaines d'Asie devront se trouver de nouvelles identités, et tatôneront d'ailleurs probablement longtemps avant de voir renaître des Etats dignes de ce nom. Ils seront concurrents, mais participeront de la même civilisation. Il deviendront très puissants, domineront le monde, deviendront colonisateurs. Comme cela n'arrivera pas avant mille ans, on peut imaginer que, comme les Grecs puis les Européens, qui perfectionnèrent chacun à leur tour l'art de la navigation avant de devenir de grands explorateurs, le nouvel et brillant avatar de l'Occident trouvera des moyens efficaces pour voyager au-delà de l'horizon terrestre, et cherchera à s'implanter par-delà ce qui sera alors son ultime frontière : l'Espace. On trouvera des planètes habitables, ou on rendra habitables des planètes qui ne le sont pas (que sera la puissance de la science en ce temps-là ? on ne peut guère que le rêver). Et l'on peut penser que c'est là que se trouvera le départ du nouvel Empire : une colonie sur une nouvelle planète, qui se débarrassera de la vieille tutelle de sa nation terrienne d'origine, luttera pour son indépendance, pour son unité, et finira par gouverner un empire humain céleste. Ainsi, en une constante progression, ce troisième Empire mondialisateur, après Rome et l'Amérique, fera passer la civilisation de l'échelle du superpays à l'échelle planétaire.

Ci-contre, une illustration anticipant ce lointain futur : Mars terraformée, c'est-à-dire changée en planète habitable. L'homme du XXIe siècle en rêve déjà. Plus, il l'estime scientifiquement possible.

Conclusion : Brèves réflexions philosophiques sur l'emploi de l'Algorithme.

utilis11
utilis12

Un inexorable déterminisme ?

C'est sans doute la première question qui vient à l'esprit une fois confronté à la théorie de l'algorithme : l'Histoire peut-elle avoir une loi ? N'est-ce pas nier la liberté humaine que de voir dans la reproduction fidèle d'un cycle gréco-romain par l'histoire euro-américaine une sorte de nécessité ?

Nous ne le croyons pas. Parce que ce sont bien des hommes libres qui font cette histoire qui se répète de la sorte. Dans la mystérieuse équation qui accouche de l'histoire occidentale, il est manifeste que la liberté humaine est un facteur qui compte. Il n'est pas nié, il fait partie du mécanisme. De quelle façon ? Avec quelles limites ? Autant de questions qui mériteraient d'amples discussions.

En tous les cas, le paradoxe est évident : l'algorithme, s'il est réellement inéluctable, constitue un déterminisme dans lequel intervient le contraire du déterminisme : le libre arbitre.

Un mécanisme cyclique ?

C'est l'autre grande question : la théorie de l'algorithme occidental est-elle la théorie d'un cycle ? Une telle qualification peut rapidement être écartée. En effet, si l'Histoire se répète dans l'idée d'algorithme occidental, c'est dans sa forme, et pas dans son fond. Ainsi, des changements majeurs apparaissent : progrès technologique, changement d'échelle des civilisations, passage du polythéisme au monothéisme, etc... L'algorithme ne donne pas à voir une répétition perpétuelle du même cycle de civilisation repartant de zéro pour atteindre à nouveau la même apogée, il y a à chaque fois des seuils franchis.

Ce qui découle de toutes nos observations sur la théorie de l'algorithme occidental, c'est qu'il donne à voir une évolution à la fois cyclique et linéaire ; en simplifiant : cyclique dans la forme, et linéaire pour ce qui est du fond.

Un algorithme occidental, et alors ?

Quelle est l'utilité d'un tel algorithme, se sera peut-être demandé le lecteur ? Prédire l'avenir dans une certaines mesure, d'accord, mais pourquoi faire ? Surtout s'il est, ce que semble imposer l'idée d'algorithme, inéluctable

L'algorithme peut être un instrument de compréhension, de connaissance et de sagesse.

De compréhension, parce qu'il peut servir à décrypter des phénomènes auxquels nous assistons, et que nous serions tentés de projeter dans l'avenir sans ordre, sans système, ce qui fait imaginer des futurs soit excessivement catastrophiques, soit déraisonnablement optimistes.

De connaissance, parce que l'algorithme est un bon outil pour synthétiser la marche de la civilisation occidentale, en déceler les ressorts constants, les caractères pertinents et exclusifs.

De sagesse, enfin, parce que savoir distinguer l'inéluctable de ce qui peut être empêché ou entrepris, c'est le commencement de toute sagesse dans l'action, cela permet de concentrer ses efforts sur ce qui peut être fait, et de s'appliquer à minimiser les dégâts de ce qui est inévitable, et à en maximiser les bienfaits.

Et pour terminer, l'algorithme est également un instrument de sagesse, car sa connaissance doit obliger à l'humilité les civilisations qu'il conduit, en leur rappelant qu'elles ne sont que les détentrices précaires d'une force qui les dépasse.

Complément à notre enquête sur l'algorithme : recherche sur un premier cycle Crêto-mycénien
Complément 2 : Réflexions et études sur l'algorithme
Nous contacter, faire un commentaire ou poser une question
Cliquez ici pour retourner à la page d'accueil

Haut de page