Avant la Grèce et Rome, avant l'Europe et l'Amérique, la Crète et Mycènes ?

D'où vient l'Algorithme de la civilisation occidentale ? Ce curieux cycle civilisationnel a-t-il une origine plus lointaine que l'éveil de la Grèce antique ? Peut-on trouver des indices plus anciens de son action, permettant d'étayer un peu plus l'intuition qui a conduit jusqu'ici notre raisonnement ? Plus encore : la confirmation de cette théorie, par la réalisation future des prévisions que nous avons avancées, peut-elle être partiellement recherchée dans l'exploration d'un passé encore plus lointain que celui que nous avons étudié jusqu'ici ?

Nous avons voulu tenter de poursuivre notre enquête. Sur notre route, nous trouvons un obstacle de taille : notre grande ignorance de l'histoire de civilisations qui, il y a encore un siècle et demi, étaient considérées comme absolument mythiques : l'histoire des crêtois minoens et des mycéniens nous plonge dans une histoire antérieure de mille ans à la civilisation héllenique, et si le système d'écriture mycénien, le linéaire B, a été déchiffré, ce n'est pas encore le cas du minoen, le linéaire A. On ne peut qu'imaginer tout ce que l'on aurait à apprendre de ces cultures antiques lorsque ces documents deviendront intelligibles.

Néanmoins nous en savons suffisamment pour retracer rapidement la course de ces deux civilisations et leurs rapports entre elles. Et nous pensons que le lecteur, après ce qu'il aura déjà découvert, ne manquera pas d'être troublé par l'histoire du couple Crêto-mycenien.

Existe-t-il, avant la Grèce et Rome, avant l'Europe et l'Amérique, dans un espace plus réduit encore que le pourtour méditerranéen, dans un temps encore plus reculé que l'Antiquité grecque, un Cycle Zéro de l'Algorithme occidental ?

La Crète et la civilisation minoenne, 2700 - 1500 avant J.-C environ.

L'île de Crète a vu la naissance de la première grande civilisation européenne, la civilisation minoenne, baptisée ainsi par son découvreur, le britannique Arthur John Evans, en référence au roi légendaire Minos.

Tout a commencé vers le XXVIIIe siècle avant J.-C. Des populations seraient arrivées d'Anatolie (Asie mineure) et se seraient mêlées aux populations habitant l'île depuis le Néolithique (déjà présents notamment à Cnossos), apportant avec elles de nouveaux cultes. La civilisation se développa pour atteindre son apogée environ mille ans après ces nouveaux établissements.

La civilisation minoenne fut véritablement brillante. Les crétois de cette haute antiquité connaissaient l'écriture, et maîtrisaient nombre de technologies avancées en architecture, en particulier la construction de canalisations pour alimenter les habitations en eau et évacuer les eaux usées, ou le pavement des routes. Le territoire de l'île était divisé en un petit nombre d'unités politiques, organisées autour de centres urbains.

Riche et puissante thalassocratie, la Crète régna durant des siècles sur les archipels de la mer Egée, notamment les Cyclades. Il est probable que les crétois ont colonisé plusieurs de ces îles, et l'influence de cette brillante civilisation maritime a dû atteindre le Péloponnèse, même si celui-ci n'a jamais été contrôlé par les minoens. De fait, il est attesté que la Crète eut de nombreux contacts avec la puissance montante, sur la péninsule, de ce que l'on a appelé la civilisation mycénienne.

Le déclin crétois débuta au XVe siècle avant notre ère. Les causes de ce déclin font débat. On a trouvé trace de soudaines destructions sur l'île. Diverses théories ont été avancées quant aux causes de ces destructions : tremblements de terre et raz-de-marées liés à l'éruption du volcan Santorin (évènement qui assimilerait de manière quasi-certaine la Crète minoenne à la mythique Atlantide), invasions extérieures ou encore "guerre civile" entre les différentes entités politiques pour le contrôle de l'île.

Au cours de ce déclin, la Crète devint la proie de la civilisation mycénienne qui lui avait tant emprunté, et fut intégrée à son empire égéen.

L'empire de la civilisation mycenienne, 1550 - 1100 avant J.-C. environ.

Voici une carte montrant l'étendue de l'emprise de la civilisation mycénienne sur la mer Egée à son apogée.

Cette civilisation est née sur le continent et a produit, notamment, la légendaire cité de Mycènes, dont le nom est associé à la guerre de Troie. Si l'importance, la période et la physionomie réelle du conflit demeurent encore sujets de débat, il paraît certain que le mythe homérique fait référence à un évènement historique. Si l'on observe la position de Troie sur la carte ci-contre, on peut aisément imaginer la rivalité stratégique qui a pu opposer Troyens et Myceniens pour l'hégémonie sur la mer Egée après la disparition de la puissance crètoise.

La civilisation mycénienne devait sans doute beaucoup à la civilisation minoenne qui dominait la mer Egée dans les premiers siècles de son propre développement. L'archéologie tend à montrer la forte influence de la Crète sur le développement de la nouvelle civilisation continentale.

Lorsque la Crète s'affaiblit, les Myceniens remplirent le vide laissé par sa puissance déchue en envahissant l'île et en établissant leur hégémonie en mer Egée. On constate alors une unification notable, un effacement des particularismes locaux au profit de la culture mycenienne, et l'établissement d'une unité culturelle et artistique telle que la civilisation minoenne n'était jamais parvenue à l'imposer au monde Egéen.

L'empire mycénien finit par relâcher son emprise et disparaître, probablement à la suite d'invasions nouvelles : on a longtemps évoqué les Doriens, dont le rôle semble aujourd'hui plus discuté par les historiens, qui parlent plutôt des Peuples de la Mer également connus des Egyptiens. Le lecteur se souviendra que c'est sur les ruines de cet empire mycénien envahi que devait naître, après des siècles obscurs pendant lesquels la connaissance de l'écriture fut perdue, la brillante civilisation hellénique.

Le lecteur, ainsi que nous l'avions dit, aura sans doute repéré les nouvelles concordances. Le moyen le plus rapide de les mettre en évidence est de tenter de placer les éléments connus de l'histoire crèto-mycénienne dans le cadre de l'Algorithme.

(A gauche : les "cornes du Minotaure" à Knossos, en Crète ; à droite, la "Porte des Lions" de Mycènes)

L'algorithme de la civilisation occidentale
Suite A	Suite B
Opération élémentaire 1 : invasion des territoires de départ de la future civilisation par un peuple étranger Opération élémentaire 2 : nouvelle invasion du territoire qui renverse l'ordre des premiers envahisseurs et provoque une période de disparition de la culture ancienne et de gestation d'un ordre nouveau Opération élémentaire 3 : apparition des états qui participeront de la même civilisation Opération élémentaire 4 : opposition entre les mêmes civilisations pour l'hégémonie	Opération élémentaire 1 : une communauté est fondée par une civilisation préexistante sous l'influance de la civilisation de la suite A Opération élémentaire 2 : rejet de la suzeraineté de la civilisation-mère Opération élémentaire 3 : dégout de la royauté et instauration de la république avec caractères sociologiques particuliers ( religion civile, états de la méfiance vis-à-vis du pouvoir central, défense acharnée de l'indépendance, impérialisme défensif)
Opération élémentaire 5 : création par les états d'un empire colonial Opération élémentaire 6 : cristallisation d'un antagonisme au sein de la civilisation: bloc démocratique, pacifiste, maritime et commerçant contre bloc totalitaire, militariste, continental et autarcique	Opération élémentaire 4 : crise de la république et guerre civile	Opération élémentaire 4' : confrontation à un état concurrent puissant et hostile
Opération élémentaire 7 : guerre totale entre les deux camps Opération élémentaire 8 : perte de l'hégémonie mondiale, affaiblissement au profit de puissances émergentes Opération élémentaire 9 : l'ensemble d'états de la civilisation passe sous la tutelle de la superpuissance de la suite B	Opération élémentaire 5 : la nation reste sans rivale en position d'hégémonie Opération élémentaire 6 : les états de la suite A passent sous tutelle de l'état de la suite B
(Ici les deux suites d'opérations se fondent en une seule : la deuxième partie de la suite B) Opération élémentaire 7 : l'Empire succède à la République Opération élémentaire 8 : hégémonie absolue sur le monde connu, absence de rivaux et les puissances concurrentes sont soumises (à cette epoque se déroule l'opération élémentaire 1 de la nouvelle suite A) Opération élémentaire 9 : déclin et démembrement de l'empire (opération élémentaire 2 de la nouvelle suite A )

Ebauche d'un cycle Créto-mycénien
Suite crétoise	Suite mycénienne
Opération élémentaire 1 : au néolithique le peuple vivant en Crète forme de premiers établissements : Cnossos, Phaistos, Aghia Triada... Opération élémentaire 2 : invasion de nouvaux peuples venant d'Anatolie, se mêlant aux populations anciennes Opération élémentaire 3 : apparition des quelques entités politiques se partageant l'île de Crète Opération élémentaire 4 : opposition probable entre les entités politiques crétoises pour l'hégémonie	Opération élémentaire 1 : arrivée en Grèce continentale des "Achéens", développement sous influence crétoise Opération élémentaire 2 : ? Opération élémentaire 3 : ?
Opération élémentaire 5 : thalassocratie crétoise et colonies en mer Egée Opération élémentaire 6 : ?	Opération élémentaire 4 : Conflit avec Troie pour la suprématie	Opération élémentaire 4' : ?
Opération élémentaire 7 : ? Opération élémentaire 8 : perte de l'hégémonie en mer Egée, affaiblissement au profit des Mycéniens (et de Troie?) Opération élémentaire 9 : la Crète est envahie par les Mycéniens et tombe sous leur empire	Opération élémentaire 5 : hégémonie mycénienne en mer Egée Opération élémentaire 6 : les Mycéniens envahissent la Crète
(Ici les deux suites d'opérations se fondent en une seule : la deuxième partie de la suite mycénienne) Opération élémentaire 7 : apparition d'un pouvoir mycénien suprême, le "Grand Roi" d'Ahhiyawa? Opération élémentaire 8 : hégémonie absolue sur le monde Egéen (à cette epoque se déroule l'opération élémentaire 1 de la nouvelle suite A (grecque) : les mycéniens contrôlent et civilisent les territoires de la future civilisation hellénique) Opération élémentaire 9 : déclin et démembrement de l'empire (opération élémentaire 2 de la nouvelle suite A (grecque) : Doriens et Peuples de la Mer envahissent l'empire mycénien, et peuplent les territoires de la futures civilisation hellénique)

Les deux faces du mystérieux Disque de Phaistos, artéfact crêtois non déchiffré.

Le "masque d'Agamemnon". Bien que cet objet soit antérieur de plusieurs siècles au règne du héros d'Homère, l'appelation enthousiaste de Schliemann, découvreur de Troie, lui est restée, et il demeure un symbole du passage de Mycènes de la légende à l'Histoire.

Toute argumentation supplémentaire nous semble superflue : il est manifeste que ce que la science historique actuelle sait de l'histoire crêtoise et mycénienne se conforme encore au déroulement de l'Algorithme. Nous nous bornerons donc à faire quelques commentaires.

Zones d'ombre :

Il demeure de nombreuses zones d'ombres, on l'a dit, à cause des lacunes dans nos connaissances sur ces civilisations de découverte somme toute récente. Le manque d'information précises sur les structures sociales, leur évolution, ou même l'origine de la civilisation crètoise est la cause de nombre de "?" au sein de l'ébauche de cycle crèto-mycénien que nous avons proposé. Il n'en est pas moins remarquable que ce que l'on sache s'accorde à l'Algorithme.

Guerre de Troie :

Vous aurez constaté que nous avons assimilé la guerre de Troie au conflit pour la suprématie, tel qu'il a existé pour Rome dans les guerres puniques et pour l'Amérique dans la Guerre Froide. Etant donné la postérité spectaculaire qu'a eu cet évènement à travers Homère, et en observant ce que devait être la situation stratégique autour de la mer Egée en ces temps reculés, il nous semble que l'on peut bien penser que nous sommes en présence de ce genre de conflit d'ampleur, cette rivalité radicale et vitale pour Mycènes, comme le furent par la suite celle de Rome et Carthage, des USA et de la Russie.

Un empire unifié ?

La civilisation mycénienne eut-elle, à un moment donné, un chef suprême, ce qui permettrait bien, en opération élémentaire 7, de noter la naissance de l'Empire, conformément à l'Algorithme ? On pense que la caste dirigeante mycénienne était une aristocratie guerrière, mais l'existence d'un chef suprême à un moment donné n'est pas avérée. S'il n'y a pas de preuves, il y a cependant des indices : si les Mycéniens s'identifient bien aux Achéens, ce qui est probable, et que les territoires achéens sont bien le royaume d'Ahhiyawa qu'évoquent des sources hittites (les hittites étaient situés en actuelle Turquie), alors il se pourrait que le "Grand Roi" dont parlent ces sources étrangères fut bien un chef suprême de l'empire mycénien. Certains sont alors assez vite tentés de voir en la figure homérique d'Agamemnon, roi de Mycènes et chef de tous les Achéens (et de leurs différents rois) lors de la guerre de Troie, un tel chef suprême de la puissance mycénienne, et nous tenons peut-être la correspondance archaïque de l'empereur dans le cycle gréco-romain, succédant à une organisation aristocratique de cette civilisation. C'est là la thèse qui, certes, s'accorderait au plus près avec l'Algorithme.

Changement d'échelle :

Nous avons noté précédemment les changements d'échelle qui accompagnent le déroulement des cycles de l'Algorithme : cités, pays, "super-pays". Cette constatation est confirmée par notre exploration du passé plus ancien dans lequel l'échelle diminue encore : la petite mer Egée est pour les Mycéniens l'équivalent archaïque de la mare nostrum des Romains, la Crète l'équivalent de ce que fut plus tard la Grèce : cette petite île était divisée en plusieurs entités politiques : avant les pays, avant les cités, les "palais". Cet autre critère semble donc aussi confirmer l'appartenance à l'Algorithme.

Chevauchement des cycles :

Comme pour la fin du cycle Gréco-romain correspondant au début du cycle Euro-américain, on constate que la fin du cycle Créto-mycénien correspond, et pour les mêmes étapes, au début du cycle Gréco-romain.

Durée des cycles :

On a vu que la civilisation minoenne débutait aux alentours du XXVIIIe siècle avant notre ère, et que la civilisation mycénienne s'éteignait complètement aux alentours du XIIe siècle, ce qui donne une durée d'environ 1600 ans. Or, le véritable début du cycle Gréco-romain, qui se situe au moment de l'opération élémentaire 2 du cycle grec, c'est-à-dire au moment où Mycènes s'effondre (l'opération 1 ayant lieu sous domination mycénienne), se situant donc vers 1100 avant J.-C., et la fin du cycle Gréco-romain étant datée par la chute définitive de Rome, en 476, nous observons pour ce second cycle une durée d'environ 1576 ans, soit, en tenant compte de l'imprécision de la datation de la chute mycénienne, la même durée de cycle : 16 siècles. Par conséquent, la connaissance du cycle Créto-mycénien pourrait nous incliner à penser que la chute de l'Empire américain n'aurait pas lieu dans deux ou trois siècles, comme nous l'avons dit dans nos prévisions, mais plutôt aux alentours de la fin du XXIe siècle, soit environ 1600 ans après la chute de Rome.

L'Algorithme né chez les Atlantes ?

Ce dernier commentaire est plus une remarque amusante pour terminer notre exposé : la civilisation crétoise minoenne étant très probablement à l'origine, avec son rayonnement prodigieux qui a sans doute subjugué les populations du pourtour égéen à pein sortis du Néolithique, et le cataclysme lié au volcan Santorin qui l'a durement frappée dans sa gloire, du mythe de l'Atlantide, on peut faire un clin d'oeil en disant que par le jeu de l'Algorithme, toute la civilisation occidentale tire son origine des Atlantes, sans que cela ait quoi que ce soit d'ésotérique ou de fabuleux.

Ci-dessous, en conclusion, le résumé cartographique de la course de l'Algorithme, de la Crète à nos jours.